Texte 5: Plus jamais ça.



" Je me lève. Il est cinq heures et je ne vois pas Paris qui s'éveille.
Je vis dans une petite bourgade située dans un département rural.
Ça pue la vache et le fumier.
Ça sent l'humidité et le bois vieilli.
Ça chlingue le moisi.

Je suis célibataire parce qu'aucune femme n'a voulu de moi.
Trop macho, trop bosseur, trop poilu, trop exigeant, et...
pas assez beau, pas assez riche, pas assez attentif, pas assez citadin.

J'ai beaucoup d'amis. On fait souvent la fête le week end.
Je n'ai aucune vie sociale en semaine.
Enfin, juste moi et mon bétail.

Mes bêtes, elles ont chacune un nom. Mignonne, Félicie, Anna, et Câline sont mes favorites.
Je me couche en pensant à elles. Je me lève en pensant à elles.
Toute la journée, je ne vis que pour elles.
Si une tombe malade, je souffre avec elle.
Si une met bas, je l'aide et je suis comme un père.

Ce matin là, je me prépare pour aller voter.
Dans mon village, c'est toujours un jour particulier.
On met sa plus belle chemise et on cire ses chaussures.
Et les gens se rendent à la messe.
Moi, la messe ce n'est pas trop ma tasse de thé.
Par contre, je me fais un devoir d'aller voter.

Avant, je m'accorde un détour au bistrot du coin.
Il a un nom original '' le Bistrot du coin''.
J'y retrouve quelques copains.
Les débats sont vifs comme toujours les jours d'élection.
Cette fois ci, ils sont tous d'accord et unanimes sur leur choix.
Alors, ils s'en prennent à moi.
Et moi, je me lève en silence et je me dirige vers l'école communale qui fait office de bureau de vote.

Je sens bon l'eau de Cologne.
Je me sens à l'aise dans mon ''costume''.
J'ai mon bulletin sur moi.
Je prends l'enveloppe, je me dirige dans l'isoloir.
J'embrasse le bulletin, en tremblant.
Je glisse un '' plus jamais ça'', comme à chaque fois.

Je m'appelle René Dubois.
Je suis né David Baker, fils de Samuel Baker, boulanger et de Sarah Berliner, femme au foyer.
J'ai été recueilli et adopté par des Justes : André et Félicie Dubois, agriculteurs.

Ce jour là, j'ouvris une bouteille de liqueur.
Ce jour, je fus libéré d'un poids, encore une fois.
Elle ne gagna pas.
Plus jamais ça! ''

© Julie Giordano

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